Consommation, traitement et prévention du suicide

 

« On sait que les personnes dépendantes sont plus à risque de suicide, mais on ne sait pas vraiment pourquoi », dit Hélène Simoneau, chercheure principale d’une étude menée par l’Institut universitaire sur les dépendances du CCSMTL dans le but de mieux prévenir le suicide chez les adultes ayant un trouble lié à l’utilisation de substances (TUS). Intitulée Mieux comprendre les interrelations entre les tentatives de suicide, la consommation et le traitement selon la perspective de l’usager : des éléments novateurs pour la pratique, cette recherche se fonde sur l’expérience vécue d’usagers en traitement. C’est la première fois qu’une étude sur le sujet se concentre sur le point de vue de personnes qui consomment des substances.

Aidée des co-chercheures Karine Bertrand, de l’Université de Sherbrooke, et de Marie-Josée Girard, du CCSMTL, madame Simoneau documente les interrelations entre la consommation de substances psychoactives, les services reçus pour le traitement des TUS, et les tentatives de suicide au cours de la vie. Les nouvelles connaissances qui émergeront de cette recherche permettront de mieux comprendre les besoins des personnes en traitement, d’élaborer des pratiques novatrices en prévention du suicide et d’améliorer les services.

Une vingtaine de participants seront recrutés pour participer à une entrevue de 60 à 90 minutes sur leur expérience de la consommation, des services de traitement et des tentatives de suicide. Les participants proviendront des clientèles du Programme CRAN et du Programme adulte de la Direction des programmes santé mentale et dépendance du CCSMTL. Parmi les substances consommées on trouve de l’héroïne, des médicaments opioïdes, de la cocaïne, de l’alcool, du cannabis, des benzodiazépines et des amphétamines.

L’équipe de recherche souligne que les personnes aux prises avec un TUS sont surreprésentées parmi les personnes décédées par suicide. Voici des données relevées par les chercheures dans le devis de recherche :

  • Une recension d’écrits révèle que, dans les études basées sur des autopsies psychologiques, entre 19 % et 63 % des personnes décédées par suicide souffraient d’un TUS (Schneider, 2009). Dans la région de Montréal, on rapporte un taux de 66,7 % (Tousignant et al., 2008).
  • En ce qui concerne les tentatives de suicide, les données d’une enquête populationnelle révèlent un taux croissant de risque lorsqu’on passe de l’usage à la dépendance. Le rapport de cote (odds ratio ou OR) pour les tentatives de suicide est de 2,8 chez les usagers d’alcool. Celui-ci augmente à 6,1 parmi les usagers qui présentent un abus d’alcool pour atteindre 17,6 chez les personnes dépendantes. Le même type de relation existe en matière de drogues, où on enregistre un OR de 3,3 pour l’usage, 7,8 pour l’abus et 12,7 pour la dépendance (Borges, Walters et Kessler, 2000).
  • Même si les TUS représentent un facteur de risque important pour les comportements suicidaires, peu d’études se sont intéressées à comprendre les interrelations entre les dimensions associées à la consommation, le traitement et les comportements suicidaires. Aucune ne l’a fait selon la perspective de l’usager adulte. Ce phénomène se retrouve également dans la recherche sur le suicide en général où l’accent a été placé sur l’épidémiologie et l’identification des facteurs de risque.
  • Peu d’attention a été portée sur l’expérience subjective des personnes suicidaires bien que ce soit nécessaire pour documenter et améliorer les services offerts à cette clientèle (Lakeman et FitzGerald, 2008).  Cette compréhension est particulièrement importante compte tenu des lacunes observées sur le plan des pratiques en prévention du suicide adaptées aux personnes aux prises avec un TUS, le travail en silos étant encore souvent déploré (Renaud et al., 2015) et la gestion du risque suicidaire étant souvent réservée aux usagers en crise suicidaire (Center for Substance Abuse Treatment, 2009).

Les résultats des travaux de recherche de madame Simoneau et de son équipe seront diffusés vers l’automne 2019.