Le colloque international francophone sur le traitement de la dépendance aux opioïdes

Le colloque international francophone sur le traitement de la dépendance aux opioïdes
18 octobre 2012 au 19 octobre 2012

L’expérience a été des plus enrichissantes tant sur les plans clinique et organisationnel que sur le plan humain. Une conférence internationale incite à une ouverture et une exposition qui ne peuvent qu’engendrer une série de réflexions riches et pertinentes sur les enjeux de la dépendance, ici et ailleurs. La planète semble beaucoup plus petite lorsque nous nous apercevons que nous sommes tous confrontés aux mêmes défis et réalités.

— Natalie Bremshey, chef de service, Centre de réadaptation Le Maillon, Laval

C’est à Genève, ville située en Suisse romande qui célèbre cette année le tricentenaire de la naissance d’un de ses plus illustres fils, le philosophe Jean-Jacques Rousseau, que s’est déroulée  la troisième édition du Colloque international francophone sur le traitement de la dépendance aux opioïdes, les 18 et 19 octobre derniers.

Cette conférence scientifique, financée par l’Office fédéral de santé publique de la Suisse et organisée par la Société suisse de médecine de l’addiction, suivait une première rencontre qui a eu lieu en 2008 à Montréal à l’initiative du Centre de recherche et d’aide pour narcomanes (Cran) et une deuxième tenue en 2010 à Paris.

Cette année, c’est donc en Suisse romande que se sont rassemblés 400 participants provenant des pays initiateurs du colloque (la Belgique, le Canada, la France et la Suisse) et, pour la première fois, de pays francophones du bassin méditerranéen (l’Algérie, l’Égypte, le Liban, le Maroc et la Tunisie). Heureux concours de circonstances pour tous, la Suisse est un chef de file mondial en matière de TDO et son leadership politique, scientifique et social continue d’être une véritable source d’inspiration (il y a 25 ans, on ouvrait le premier site d’injection supervisée à Berne, la capitale, et depuis 18 ans la prescription médicale d’opiacés injectables fait partie de la pharmacopée suisse).

La passion et l’engagement des chercheurs, médecins, gestionnaires et autres intervenants en traitement de la dépendance qui étaient présents  étaient palpables. La réussite de cet événement d’envergure est due notamment à l’implication soutenue du comité international auquel a siégé le Cran pendant un an, et des comités régionaux, dont celui du Québec qui réunissait Suzanne Brissette et Pierre Lauzon (CHUM),  Pierre Desrosiers (ACRDQ), Guy-Pierre-Lévesque (Méta d’Âme), Nicole Marois (INSPQ), Richard Cloutier (MSSS) et Pierrette Savard (Cran). C’est grâce au travail concerté de ces personnes, échelonné sur plus d’un an, et à l’engagement de Ivanka Stewart-Patterson, responsable des communications au Cran et coordonnatrice du comité régional, qu’une délégation québécoise enthousiaste et bien préparée a pu participer au colloque.

D’un pays à l’autre, les orateurs étaient de haut calibre : David Nutt, de l’Imperial College, de Londres, dont l’équipe a élaboré une grille analytique et décisionnelle fondé sur la comparaison des drogues et de leurs méfaits;  Ruth Dreifuss, membre de la Commission mondiale pour la politique des drogues et ancienne présidente de la Suisse; Thomas Zeltner, président de la Fondation Science et Cité et ancien directeur de l’Office fédéral de santé (Suisse), et bien d’autres encore.

Le Québec n’était d’ailleurs pas en reste avec la participation de Louis Letellier de St-Just, président du CA de Cactus Montréal, dont la présentation a porté sur les enseignements et lendemains du jugement de la Cour suprême dans la cause d’InSite, de Vancouver, ainsi que celles de Carole Morissette, médecin-conseil à la Direction de santé publique de Montréal, et d’Alain Poirier, ancien directeur national de santé publique et sous-ministre adjoint, qui ont pris part tous deux à une Table ronde sur le cheminement politique de l’innovation en matière de TDO.

À ces interventions énergiques se sont ajoutées les présentations inspirées et inspirantes de représentants du Cran, de l’ACRDQ,  de l’INSPQ, du CHUM, du CRD Laval, du Centre l’Escale (Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine), et du CSSS Pierre-Boucher. Pour emprunter les paroles du participant français à la Table ronde, Albert Herszkowicz, du Bureau des pratiques addictives de la Direction générale de la santé, à Paris, on sentait bien que, orateur ou membre de l’auditoire, chacun, dans sa propre lutte contre la stigmatisation de la dépendance,  a la conviction inébranlable d’être du côté du patient.

Le colloque a été précédé d’une mission scientifique québécoise de deux jours organisée par le Cran et brillamment menée par Richard Cloutier, du MSSS. Au programme, entre autres, une visite du site d’injection supervisée Quai 9, un petit édifice peint d’un joyeux vert pomme qui s’intègre bien dans le paysage urbain de Genève, et du service médical du centre pénitentiaire Champ-Dollon, qui dispense aux détenus des traitements de substitution, offre la prescription médicale d’opioïdes et effectue l’échange de matériel de consommation sécuritaire. Les membres de la mission ont également été chaleureusement accueillis à la Fondation Phénix, un centre de traitement qui, bien heureusement pour les patients, n’a pas de liste d’attente, la dépendance aux opioïdes étant considérée en Suisse comme une maladie chronique et  bénéficiant de ressources supérieures à celles qu’on trouve ailleurs dans le monde. Bref, ces visites ont donné lieu à des échanges et un partage de connaissances précieux entre acteurs engagés des TDO des deux côtés de l’Atlantique.

Le prochain colloque TDO (assorti, nous l’espérons bien, d’une nouvelle mission du Québec) aura lieu les 16 et 17 octobre 2014, à Bruxelles, en Belgique.

CE QU’ILS ONT DIT :

Les nations doivent faire un bilan honnête [de leurs politiques de lutte contre la drogue] (…) Aux États-Unis, la situation pénitentiaire est impayable et inefficace. Il existe des mesures plus efficaces que la prohibition ou la répression.

— Ruth Dreifuss, membre de la Commission mondale pour la politique des drogues et ancienne présidente de la Suisse

Une politique répressive est le moteur principal des entrepreneurs criminels. Elle rend la composition, la pureté et la puissance des substances incontrôlables (…) Une politique répressive  complique le dépistage et rend la prévention plus difficile. C’est le matelas à eau : push down, pop up.

— Tom Decorte, Institut de recherche sociale sur les drogues, Université de Gand, Belgique

Il ne faut pas avoir peur d’un débat éthique. Si le débat scientifique est international, le débat de valeurs est extrêmement local.

— Thomas Zeltner, président, Fondation Science et Cité, et ancien directeur de l’Office fédéral de santé publique, Suisse

En France, il y a une vision binaire : on est soit malade, soit délinquant.

— Jean-Pierre Couteron, Fédération Addiction, France

Ça se modifie, l’opinion publique.

 — Alain Poirier, ancien directeur national de santé publique du Québec et sous-ministre adjoint

Il faut composer avec les limites de reconnaissance des données probantes par les élus.

      — Carole Morissette, médecin-conseil, Direction de santé publique, Agence de la santé et   des services sociaux de Montréal. Dre Morissette gère le dossier de l’implantation des services d’injection supervisée à Montréal.

On surestime le pouvoir des données [probantes]. Le leadership est très important. L’histoire doit toucher le cerveau et le cœur, d’où l’importance du don de storytelling du leader.

— Thomas Zeltner

Souvenirs de Genève

Le colloque scientifique TDO3 et la mission du Québec à Genève:

Le colloque s’est déroulé les 18 et 19 octobre 2012 au Centre international de conférences de Genève. Des personnalités influentes du monde du traitement de la dépendance y étaient, notamment Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Suisse et aujourd’hui membre de la Commission mondiale pour la politique des drogues (photo de gauche). La délégation québécoise comprenait, entre autres, le Dr Alain Poirier, ancien directeur national de santé publique et sous-ministre adjoint, et la Dre Carole Morissette qui ont participé à la Table ronde internationale « Innover entre politique, pratique, science et conscience » (photo de droite). De plus, une dizaine d’intervenants en TDO ont participé à la mission guidée par Richard Cloutier, du MSSS, et qui incluait, entre autres, une visite au site d’injection supervisé Quai 9, situé en plein cœur de la ville, à proximité de la gare de Genève (photo du centre).

Genève est une ville charmante à l'architecture inspirée de plusieurs courants artistiques européens. C'est aussi une ville à échelle humaine qui allie le style d'époques passées à la fonctionnalité de l'urbanisme moderne.