OPTIMA : une étude scientifique d’envergure pour améliorer le traitement de la dépendance aux opioïdes d’ordonnance

 

Fer de lance de l’Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances (ICRAS), le projet OPTIMA évalue de nouveaux modèles de soins en dépendance aux médicaments opioïdes prescrits afin d’augmenter l’attrait, le taux de rétention et l’efficacité des traitements. Cette étude est la première du genre à comparer au moyen d’un protocole de recherche l’innocuité de modèles de soins différents pour les molécules actuellement disponibles au Canada pour le traitement des TLUO : la méthadone et la buprénorphine/naloxone (Suboxone). 

Le projet est dirigé pour le Dr Didier Jutras-Aswad, psychiatre et chercheur clinicien au CRCHUM. Il a été lancé en octobre 2017 au CHUM, un des sept sites de la recherche OPTIMA à travers le pays, dont deux se trouvent au Québec. Le programme CRAN est le deuxième site dans la province. Répartis à Montréal, Toronto, Sudbury, Edmonton, Calgary et Vancouver, les sites accueilleront 276 usagers participants. De ce nombre, au moins 69 seront recrutés au Québec, dont environ une vingtaine au CRAN. La phase de recrutement est en cours et elle se poursuivra jusqu’en 2019. La diffusion des résultats est prévue dans deux ans.

Les participants à l’étude OPTIMA (Optimizing patient-centred care: a pragmatic randomized control trial comparing models of care in the management of prescription opioid misuse) doivent être âgés de 18 à 64 ans, être confrontés à un problème de consommation d’opioïdes et souhaiter accéder à un traitement de la dépendance aux opioïdes. Ils doivent aussi être d’accord avec le type de traitement (méthadone ou buprénorphine/naloxone) qui leur sera assigné au hasard. La moitié des participants suivra un traitement de méthadone selon les modalités habituelles pendant 24 semaines, tandis que l’autre recevra de la buprénorphine/naloxone avec un accès plus rapide et flexible à des doses non-supervisées.

L’étude OPTIMA nécessite une étroite collaboration entre les chercheurs de l’Initiative canadienne de recherche en abus de substance (CRISM-ICRAS)  et les cliniciens qui travaillent sur le terrain. Selon Aïssata Sako, responsable des opérations de recherche et chargée de projets du pôle du Québec-Atlantique de l’ICRAS, cette façon de faire est cruciale. « Sans les professionnels de la santé, on ne peut pas faire ce genre de recherche. Nous les formons pour qu’ils puissent intégrer un protocole de recherche à leur travail. Nous nous assurons ensuite que celui-ci soit appliqué dans le respect de l’usager et qu’il soit soutenu par une gestion optimale des ressources », explique Mme Sako. « Un projet d’envergure comme OPTIMA exige beaucoup de préparation et de suivis pour prouver l’intégrité scientifique des données et des résultats. Il faut suivre un protocole de recherche pour documenter les pratiques, élaborer de nouvelles interventions, améliorer l’encadrement des usagers en traitement et motiver les intervenants à innover », poursuit-elle au sujet des exigences de la recherche interventionnelle.

Le programme CRAN a libéré deux ressources professionnelles, à raison d’une journée par semaine, pour travailler au projet OPTIMA. Ève Poirier, infirmière clinicienne, et Anik Pelletier, intervenante psychosociale, sont chargées du recrutement. Elles effectueront ensuite la collecte de données auprès des usagers du CRAN, tout en assurant l’interface avec l’équipe de recherche du Dr Jutras-Aswad, plus précisément avec Amel Zertal, coordonnatrice de recherche clinique de l’essai OPTIMA au Québec. Le travail du CRAN consacré à OPTIMA est subventionné par les fonds du projet, octroyés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).

OPTIMA comble un besoin important en recherche. Alors que la documentation scientifique existante se concentre sur le traitement de la dépendance aux opioïdes, notamment à l’héroïne, elle s’avère insuffisante pour mettre au point des traitements efficaces de la dépendance aux médicaments opioïdes prescrits, tels que l’oxycodone et l’hydromorphone. Idem pour mieux comprendre les enjeux secondaires tels que l’adhérence au traitement, l’innocuité du traitement et la satisfaction de l’usager.

Utilisée depuis 1968, la méthadone est actuellement la molécule la plus prescrite pour le traitement des TLUO. Elle comporte toutefois un risque de surdose. Le traitement à la méthadone oblige aussi l’usager à se présenter tous les jours en pharmacie pour prendre sa médication devant le pharmacien. Cette exigence s’avère particulièrement lourde pour l’usager dont la situation n’est pas encore stabilisée.

La buprénorphine/naloxone est généralement jugée plus sécuritaire par les médecins. Dans le cadre de la recherche OPTIMA, les participants traités à la buprénorphine/naloxone recevront jusqu’à 14 doses à apporter à la maison, comparativement à l’administration étroitement supervisée de la méthadone suivant les guides de pratique actuels. L’hypothèse de l’équipe de recherche est que la buprénorphine/naloxone sera aussi efficace que la méthadone pour diminuer la consommation d’opioïdes de prescription, tout en étant mieux tolérée et en nécessitant moins de visites à la pharmacie. Les résultats permettront d’évaluer l’innocuité relative des deux molécules et la sécurité des usagers avec pour objectif ultime d’améliorer les traitements et d’en faciliter l’accès.

L’ICRAS et ses partenaires profitent de l’infrastructure nécessaire au protocole de recherche rigoureux d’OPTIMA  pour générer des sous-projets qui se penchent sur d’autres facteurs associés aux TLUO. Ces projets étudient, entre autres, les déterminants sociaux de la consommation d’opioïdes, la pharmacogénomique (le lien entre la génétique et la réponse au traitement) et l’impact du traitement sur la sexualité. Les données recueillies serviront à améliorer le bien-être des usagers, de leur entourage, et du même coup, de la société.